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Chrysis Page 15

« C’est parce que aucun marchand d’art n’est prêt à acheter des tableaux représentant des hommes nus, dit-il. Et encore moins des nus pour lesquels j’aurais servi de modèle. Une simple question d’esthétique et de loi du marché. Dans tous les cas, je suis, moi aussi, exclusivement peintre et pas modèle.

  – Parfait, nous sommes donc égaux, rétorqua Chrysis.

  – Quelle impertinence, décidément ! Comment avez-vous dit que vous vous appeliez ?

  – Chrysis. Chrysis Jungbluth.

  – Et avez-vous déjà exposé vos travaux, mademoiselle Jungbluth ?

  – Pas encore, monsieur. Je suis encore étudiante à l’atelier Humbert.

  – Un jour, lorsque vous serez prête pour une exposition, dit Pascin, je pourrai peut-être vous aider. En attendant, prenons une coupe de champagne ensemble et montrez-moi vos dessins. »

  Bogey apporta, sur un plateau, une bouteille de champagne et des verres à la table de Pascin. Il échangea un sourire complice avec Chrysis tandis qu’elle ouvrait son bloc pour montrer son travail au peintre. Mme Mireille les contemplait, heureuse que les artistes aient si vite trouvé un terrain d’entente et fière que son établissement soit à nouveau le lieu privilégié où se resserrait le lien intemporel entre sexe et art, dont aucun ne pouvait, à son avis, exister sans l’autre.

  « Pas mal, dit Pascin en tournant les pages. Oui, c’est un travail intéressant. Je suppose que vous devez avoir un certain talent, sinon, vous n’oseriez pas vous montrer aussi arrogante. Dites-moi, dans quelles autres techniques travaillez-vous ?

  – Essentiellement l’huile et l’aquarelle.

  – Excellent. Venez me voir à mon atelier pour me présenter d’autres travaux. Je vous promets que je ne vous demanderai pas de poser… ni de faire ces autres choses auxquelles vous avez fait allusion. »

  On sonna à la porte et Mme Mireille descendit accueillir ses clients du petit matin. À cette heure, elle n’acceptait en général que des habitués, mais elle revint accompagnée de trois inconnus. Au moment où ils franchirent le seuil du salon, on aurait cru qu’ils amenaient avec eux un courant d’air glacial ; l’atmosphère chaude et lascive de l’aurore décadente parut s’assombrir instantanément sous le poids d’une tension sinistre et menaçante. Le visage de Mme Mireille était livide et crispé. Elle lança un regard inquiet du côté de Bogey, au bar. Les hommes portaient de longs manteaux noirs et des feutres mous, ils n’étaient visiblement pas du quartier. Deux d’entre eux restaient en retrait, comme s’ils étaient les gardes du corps du premier, et ils avaient les mains enfoncées dans les poches.

  « Bonsoir, mesdames et messieurs, dit le chef en inclinant la tête avant d’enlever son chapeau. Je vous en prie, ne nous prêtez aucune attention et n’interrompez pas vos festivités. Notre mission sera brève et, dès qu’elle sera accomplie, nous partirons aussi calmement et paisiblement que nous sommes venus. » L’homme observa les personnes présentes dans le salon.

  « Je suis à la recherche d’une jeune femme du nom d’Ariane Rampal, dont j’ai toutes les raisons de croire qu’elle est employée dans cet établissement si distingué. Pour vous, les habitués, ou vous, mesdemoiselles, elle est facile à identifier – elle a les initiales MT gravées sur son joli petit cul.

  – J’ai déjà expliqué à monsieur, dit Mme Mireille, les yeux rivés sur Bogey, qu’il n’y a personne ici portant ce nom, ou correspondant à cette description.

  – Eh bien, je crains que nous soyons obligés de fouiller les chambres. Je suis tout à fait navré de vous causer tant de tracas, messieurs-dames. »

  Juste à ce moment-là, Juliette descendit l’escalier et entra dans le salon. Elle se figea instantanément lorsqu’elle vit l’homme et elle pâlit.

  « Ma chère Ariane, dit-il. Te voilà, enfin.

  – Ne fais de mal à personne, Maurice, dit Juliette. Je vais te suivre sans faire d’esclandre. Mais, avant, donne-moi quelques minutes pour rassembler mes affaires.

  – Mais bien sûr, mon amour, dit Toscan, et il se tourna vers un de ses sbires. Gérard, accompagne Ariane et aide-la à préparer ses bagages.

  – Je n’ai pas besoin de l’aide de Gérard, dit Juliette. Je suis tout à fait capable de m’en occuper seule.

  – Mais, ma chérie, amour de ma vie, et si tu t’enfuyais par la porte de service et si je devais te perdre à nouveau ? dit Toscan. Je ne pourrais pas le supporter. Cela fait si longtemps que je te cherche et, maintenant, enfin, nous sommes réunis. Tu comprends ma méfiance, n’est-ce pas, chérie ?

  – Oui, Maurice, je comprends.

  – Vas-y, Gérard, va avec elle. Et madame, pendant que nous attendons, servez donc du champagne à tout le monde. »

  Toscan leva la main et claqua des doigts. « Garçon, s’écria-t-il d’une voix forte, du champagne pour tous mes amis ! Vous, le pianiste, jouez-nous quelque chose ! »

  Le père Jean se chargea d’ouvrir des bouteilles, pendant que Bogey préparait les plateaux derrière le bar. Sans que les hommes le remarquent, il attacha son ceinturon autour de sa taille. Puis, traversant tranquillement le salon, il apporta à Toscan un plateau avec une bouteille et plusieurs verres. L’homme s’était installé à une table, tandis que son second garde du corps se tenait près de la porte, une main toujours enfoncée dans la poche de son pardessus.

  « Mais qu’est-ce que vous portez donc autour de la taille ? fit Toscan.

  – Oh, ça, monsieur ? dit Bogey en posant le plateau sur la table. Pas de quoi vous alarmer, monsieur, je suis simplement déguisé en cow-boy et c’est un faux revolver, un accessoire de théâtre. Nous organisons des soirées à thème à La Belle Poule, le personnel et les filles se déguisent, pour amuser les clients. Le vendredi, c’est la soirée cow-boys et Indiens, mais tous les Indiens sont déjà rentrés chez eux.

  – Donnez-moi votre arme, ordonna Toscan. Sortez-la lentement du holster avec votre pouce et votre index et donnez-la-moi.

  – Je vous demande pardon, monsieur ?

  – Tu m’as bien entendu, donne-moi cette pétoire. Tu as cinq secondes avant que Luc, mon second, te descende. »

  Luc sortit son arme de la poche de son manteau et la pointa sur Bogey.

  « Et je peux t’assurer qu’il ne manque jamais son coup. Un… deux…

  – Bien sûr, monsieur, pas de problème. »

  Et juste au moment où Toscan disait « trois », Bogey dégaina son Colt et tira une balle en direction du garde du corps. Plusieurs filles se mirent à hurler de terreur en entendant l’assourdissante détonation, devant cette soudaine explosion de violence. Luc lâcha son arme, porta ses deux mains à son cou ; le sang giclait entre ses doigts. Il tomba à genoux, puis s’écroula. Bogey avait déjà le canon de son revolver collé contre la tempe de Toscan.

  « Il aurait fallu compter plus vite, Maurice, dit-il. Maintenant, mets tes deux mains sur la table et si tu bouges un muscle, je te fais sauter la cervelle avec mon arme de pacotille.

  – Mon autre garde du corps va descendre de l’étage d’une minute à l’autre, dit Toscan.

  – Oui, je sais, dit Bogey en glissant sa main à l’intérieur du manteau de l’homme pour retirer un pistolet du holster d’épaule. Mais il va avoir besoin de quelques instants pour se rhabiller, parce que tu sais ce que Gérard est en train de faire, n’est-ce pas, Maurice ? Il est en train de sauter ta chérie.

  – Tu n’as aucune idée de qui je suis, cow-boy, dit Maurice. Ni des ennuis que tu vas avoir.

  – Je sais exactement qui tu es, dit Bogey. Tu es le salopard de gangster qui grave ses initiales sur le corps des femmes. »

  Tout le monde entendit Gérard descendre l’escalier en courant et, lorsqu’il atteignit la dernière marche, il se colla contre le mur. Puis, brandissant son arme, il entra dans le salon et, dans la fraction de seconde qui s’écoula avant qu’il ne puisse saisir la situation, Bogey lui tira une balle dans le cœur. Toscan profita de cet instant de distraction pour sortir un couteau de sa manche et Chrysis cria au moment exact où il plongeait sur Bogey, lui enfonçant la lame dans le flanc. Bogey fr
appa Toscan à la tempe avec la crosse de son Colt et le truand s’écroula sur le sol. Il pointa à nouveau son arme sur lui.

  « Tu sais ce que disent les cow-boys, n’est-ce pas, Maurice ? demanda Bogey, son autre main plaquée sur ses côtes tandis qu’une flaque de sang s’étalait sur sa chemise. Un couteau seul ne fait pas le poids face à une arme à feu. » Et il appuya sur la détente, abattant Toscan à bout portant d’une balle entre les deux yeux.

  II

  Alertée par les coups de feu, la police arriva rapidement, suivie de près par une ambulance qui emmena Bogey à l’hôpital. Chrysis l’accompagna. Grâce à son cri, il s’était tourné juste assez pour que la lame lui perfore seulement le flanc et pas le dos, sans toucher un organe vital. À l’hôpital, le médecin nettoya la plaie, fit les points de suture nécessaires, pansa la blessure et renvoya le patient chez lui.

  Une enquête de police fut menée et les assaillants furent identifiés comme des criminels du port de Marseille ; leur chef, Maurice Toscan, était une figure particulièrement connue du milieu marseillais. Jules Pascin, ainsi que d’autres personnes présentes ce soir-là furent appelés à témoigner sur la mort de Toscan et on conclut à un acte de légitime défense. De manière à ce que l’événement n’entache pas la réputation de La Belle Poule ni celle de la capitale et pour éviter que des membres du gang marseillais ne soient pris de l’envie de se venger, la police n’ébruita pas l’affaire, la presse n’en eut pas connaissance, et les corps des trois hommes furent enterrés en secret et de manière anonyme dans une fosse commune à l’extérieur de la ville.

  Chrysis fut fortement ébranlée par les événements de cette nuit-là et, pendant longtemps, elle fit des cauchemars. Soudain, ce qu’elle avait toujours perçu, dans sa naïveté, comme le monde insouciant et libertin de la vie parisienne nocturne, où planait l’ombre vague à peine troublante du danger, était devenu une réalité violente et terrifiante. Cet épisode lui rappela certaines scènes sombres du roman Aphrodite, les crimes obsessionnels, les châtiments infligés pour avoir exercé une attirance érotique, le mal que les hommes et les femmes étaient capables de faire subir au nom de l’amour. Elle ne cessait d’y penser. Elle interrogea Bogey.

  « Comment savais-tu ce que cet homme, Gérard, faisait avec Juliette, là-haut ? lui demanda-t-elle.

  – Je ne savais pas. Je l’ai dit pour déstabiliser Toscan, le distraire de sa concentration. C’est une vieille technique de boxe.

  – Et qu’aurais-tu fait s’il ne s’était pas jeté sur toi avec le couteau ? Est-ce que tu l’aurais tué quand même ?

  – Non, parce que cela aurait été une exécution, répondit Bogey. J’ai supposé qu’il avait une autre arme sur lui. Et j’espérais qu’il prendrait une initiative, juste pour me donner une raison légitime de le tuer.

  – Et cela ne te dérange pas, de tuer des gens ?

  – Cela ne me dérange pas de tuer des hommes méchants qui essaient de me tuer, moi, ou ceux qui m’entourent. Mais, pendant la guerre, j’ai été obligé d’abattre des hommes qui n’étaient pas méchants ; ils étaient en face, c’était tout. Dans ce cas, oui, ça me dérange.

  – Comment se fait-il que tu saches faire des choses pareilles ? lui demanda Chrysis.

  – Mon père m’a appris à me défendre dès mon plus jeune âge. Il m’a enseigné la boxe et l’art de dégainer très vite. J’ai commencé à concourir dans des foires locales quand j’avais 11 ans. Et maintenant, j’ai l’expérience de la guerre, où on apprend certaines compétences qu’on aurait préféré ne jamais devoir utiliser.

  – La violence fait partie intégrante de ta vie, n’est-ce pas, Bogey ? Les armes, la boxe, la guerre, un emploi de videur, tuer des gens. Et pourtant, tu es un homme si tendre par tant d’autres aspects. T’es-tu jamais demandé si tu étais attiré par la violence, si tu ne la recherchais pas, peut-être ? Si tu l’aimais, même ?

  – Si, je me suis posé la question, Chrysis. La guerre a changé quelque chose de profond en moi. Elle m’a mis en colère. Je l’ai remarqué lorsque j’ai recommencé à boxer. Je ne voulais pas seulement gagner, comme avant, je voulais punir mes adversaires, leur faire mal. J’en ai ressenti de la honte. Et c’est une des raisons pour lesquelles j’ai arrêté la boxe. Mais pourquoi me poses-tu toutes ces questions ?

  – Je ne sais pas bien. Je suppose que c’est pour en apprendre plus sur toi. Pour comprendre le monde dans lequel tu vis.

  – Tu sais déjà tout sur moi, ma chérie, dit Bogey. Et nous vivons dans le même monde. Simplement, nous n’y jouons pas le même rôle. C’est un endroit terrifiant, dangereux, et nous ne le comprenons pas toujours. Si je n’avais pas été à la maison close ce soir-là, ces trois hommes seraient encore vivants et ton amie Juliette serait probablement morte à l’heure qu’il est. Oui, je suis heureux d’avoir tué Toscan, parce que c’était un homme mauvais et il méritait de mourir.

  – Juliette m’a dit un jour que si Maurice Toscan la retrouvait un jour, ou il la tuerait ou elle se suiciderait. C’est vrai, tu lui as sauvé la vie. Tu vois, je suis contente que tu aies tué ces hommes, moi aussi j’étais satisfaite de les voir mourir. Et cela me fait honte.

  – Il y a des pulsions chez nous, les êtres humains, une face sombre qui ne peut être totalement comprise ni résolue, dit Bogey. Ne parlons plus de tout cela. »

  Chrysis rit.

  « Parfois tu me rappelles mon père, Bogey, il ne veut jamais parler des sujets désagréables. De fait, la seule histoire qu’il m’ait jamais racontée sur la guerre était celle du courrier cow-boy. Vous, les hommes, vous essayez toujours de réprimer ce que vous ressentez, alors que nous, les femmes, nous aimons bien l’exprimer.

  – J’écris dans mes carnets, dit Bogey. C’est comme cela que je l’exprime.

  – Non, fit Chrysis. C’est comme cela que tu essaies de le réprimer, parce que, après, tu ne laisses jamais personne lire ce que tu as écrit. »

  III

  Le colonel et Mme Jungbluth se rendaient bien compte qu’une histoire d’amour était en train de naître entre Bogart Lambert et leur fille et, pour l’essentiel, ils l’approuvaient. Chrysis invitait régulièrement Bogey à la maison pour dîner avec ses parents. Ils trouvaient qu’il était un jeune homme poli, respectueux, intelligent, le colonel et lui étaient liés par la complicité tacite née d’avoir connu la guerre. Après le dîner, le colonel aimait se retirer dans son bureau avec Bogey pour fumer et boire un cognac. Chrysis s’interrogeait toujours sur leurs sujets de conversation et, lorsqu’elle posait la question à Bogey, il répondait :

  « Le temps, la politique, l’art, les livres, la campagne, la pêche, la chasse, ce genre de chose. Ton père aime bien que je lui raconte le Colorado.

  – Vous arrive-t-il de parler de la guerre ?

  – Jamais.

  – Pourquoi ?

  – Parce que nous savons tous les deux ce que c’était.

  – Et il ne te pose jamais de question sur nous ?

  – Non. »

  Bogey rit.

  « Tu es bien curieuse !

  – Tu t’en étais déjà rendu compte, dit Chrysis en riant aussi. Il faut que je sache tout ! Autrefois, je rendais mon père fou à force de poser des questions. Mais il m’aime et, un de ces jours, il va te demander quelles sont tes intentions vis-à-vis de sa fille unique.

  – Je suppose.

  – Et que répondras-tu ?

  – La vérité, dit Bogey. Je lui dirai que j’espère passer le reste de ma vie avec sa fille mais que nous n’avons pas encore réglé tous les détails.

  – C’est compliqué, n’est-ce pas ?

  – Oui. »

  Cet été-là, Chrysis accompagna ses parents au bord de la mer en Bretagne et y resta six semaines. Elle et son père sortirent dessiner en plein air presque tous les jours, comme ils l’avaient toujours fait depuis qu’elle était enfant. Maintenant, le colonel voyait bien que sa fille l’avait largement dépassé en termes de technique artistique, même si les paysages n’étaient toujours pas son sujet préféré. «
Tu ressembles plus à ta mère, de ce point de vue, fit remarquer le colonel. Tu es plus sociable que moi. Et cela se voit dans ton travail. Tu aimes la compagnie d’autres gens, alors que je préfère ma solitude dans la nature. »

  Un jour, tandis qu’ils travaillaient au bord de la mer, le colonel aborda lui-même la question.

  « Dans moins de six mois, tu atteindras ta majorité, ma fille, dit-il. Dis-moi, Bogart et toi, avez-vous des projets d’avenir ensemble ?

  – Non, papa, répondit-elle. Je voudrais d’abord terminer mes études avec le professeur Humbert. Est-ce que par hasard vous redoutez déjà que je reste vieille fille ?

  – C’est tout le contraire, ma chérie. Je crains que ma fille unique s’en aille dans les grands espaces du Colorado et j’ai peur de ne plus jamais la revoir. Bogart est un charmant jeune homme et, comme tu le sais, je suppose, je l’apprécie énormément. Néanmoins, il est difficile pour moi de t’imaginer dans le rôle d’une femme de rancher. Tout comme il m’est difficile d’imaginer notre vie, à ta mère et à moi, en France sans toi.

  – Alors, ne l’imaginez pas, papa, dit Chrysis, parce que nous n’avons pas envisagé de tels projets.

  – Je crois que Bogart souhaite rentrer chez lui bientôt, dit le colonel. Il me parle souvent de ses parents et du ranch. Cela fait plus de dix ans qu’il est en Europe et je vois qu’il est de plus en plus impatient, il se languit. Tu me dis qu’il a un emploi de barman, ce qui n’est guère satisfaisant pour un jeune homme de son envergure et de sa culture, et je ne l’imagine pas continuer ainsi jusqu’à la fin de ses jours. Tu me dis qu’il écrit, mais tout le monde, à Montparnasse, peint ou écrit, de nos jours, n’est-ce pas ? En même temps, j’ai vu ces deux dernières années combien vous vous êtes rapprochés, tous les deux, comme vous vous êtes épanouis ensemble. Tu as mûri, ton talent s’est enrichi et tu sembles avoir fait sortir Bogart de sa coquille, lui avoir permis de s’ouvrir d’une manière essentielle. J’ai vu d’autres soldats blessés guéris par l’amour et je sais bien que c’est à toi qu’il doit sa guérison. Ce que je vois, c’est une relation rare entre un homme et une femme. Mais c’est aussi inquiétant. Je pense qu’il reste ici en France pour toi. Mais, inévitablement, il va devoir avancer dans sa vie et cela pourrait bien, à la fin, provoquer de terribles souffrances.